En octobre 1927, l’industrie du cinéma a vécu l’une de ses plus grandes révolutions : le passage du muet au parlant. Avant cette date, les films projetés étaient enregistrés sans le moindre son. Pourquoi aujourd’hui il nous serait totalement impossible d’imaginer regarder un long-métrage sans bruit et comment la musique est devenu indispensable au relai des émotions ?
Imaginez : vous regardez le chef-d'œuvre de James Cameron sorti en 1997, Titanic. Rose et Jack sont à l’avant du paquebot, ils contemplent la vue de l'océan. Soudain, la jeune femme monte sur la rambarde, Jack s’approche d’elle doucement et la retient par la taille. Et là… jamais la réplique culte “Jack, je vole” n’est prononcée. Pire, les notes du tube de Céline Dion, “My Heart Will Go On”, ne retentissent pas. Tragédie ! Oui, le son participe amplement au relai des émotions ; et notamment la musique. Elle renforce l’ambiance d’une scène, annonce un évènement à venir (le thème du compositeur John Williams durant la scène de baignade des “Dents de la mer”), nous aiguille sur les sentiments d’un personnage à l’écran… Oui, la puissance émotionnelle des images ne serait pas aussi intense sans le son. Indéniablement.
Dans le langage technique du cinéma, on parle de son diégétique et extradiégétique. Ce sont deux catégories de sons qui permettent de créer, pour le spectateur, une expérience sonore totalement immersive. Le premier, le son diégétique est un son émis par un personnage ou un objet dans l’univers du film. Par exemple : Indiana Jones qui fait claquer son fouet, Jean-Claude Dusse qui chante sur son télésiège dans les Bronzés, le bruit d’une arme à feu dans un James Bond… bref tous ces sons permettent d’apporter du réalisme à la scène. À l’inverse, un son extradiégétique est un son qui provient de l’extérieur de l’univers du film. Sa source n’est pas directement visible à l’écran. Les sons extradiégétiques permettent de renforcer l'expérience sensorielle du téléspectateur et d’accentuer les émotions ressentis devant le film : une musique effrayante pour accentuer l’émotion de la peur dans un film d’horreur ou bien une musique triste pour souligner la dramaturgie d’un moment précis sont des exemples de sons extradiégétiques. Sans eux, là encore, les émotions ressenties pourraient être tout autres.
Selon La Fondation pour l’audition, “8,7 millions de Français sont en situation de handicap sensoriel dont environ 6 millions de sourds ou malentendants”. Aller au cinéma peut alors, pour ces personnes handicapées, rapidement devenir une contrainte. Certes plusieurs cinémas proposent aujourd’hui des séances sous-titrées permettant à celles et ceux dont l’ouïe fait des siennes de pouvoir profiter, malgré tout, d’un bon film sur grand écran. Cependant, l’accessibilité au cinéma reste encore un enjeu majeur. Les séances inclusives et adaptées aux personnes sourdes et malentendantes sont peu nombreuses et programmées à des horaires contraignants. Les séances en VOSTFR (les films en version originale sous-titrés en français) sont assez fréquentes, notamment dans les grandes métropoles, mais c’est au niveau des films en VFST / ST-SME (les films en version française sous-titrée et avec des sous-titres sourds et malentendants) que des efforts doivent être faits. Autre moyen, dont certaines salles de cinéma se dotent de plus en plus : la technologie 4DX. Ce système permet aux spectateurs de ressentir des émotions fortes dans une salle futuriste et équipée de gros fauteuils techniques qui permettent de ressentir : des vibrations et des mouvements, des projections d'air ou de pluie, mais aussi différentes odeurs en fonction d’une scène du film… Certes cette technologie ne permettra pas aux sourds et malentendants de mieux “entendre” le film, mais leurs autres sens (notamment l'odorat et le toucher) seront aussi stimulés ; toujours dans une optique de ressentir des émotions toujours plus intensément.